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Quels défis rencontrent les acteurs de l’éolien et du photovoltaïque accompagnés par CTN France ?

CTN France assiste Pierre Muller, président de RP Global France et Michel Suzan, dirigeant de KDE Energy France. Ces deux acteurs de l’éolien et du photovoltaïque témoignent des défis et des contraintes auxquels le secteur des énergies renouvelables se trouve confronté.

Quels défis rencontrent les acteurs de l’éolien et du photovoltaïque accompagnés par CTN France ?

Pouvez-vous nous présenter votre société ?

Pierre Muller, président de RP Global France : RP Global est une société autrichienne avec des filiales présentes dans de nombreux pays (Espagne, Portugal, Croatie, Pologne, Géorgie, Nigéria, Sénégal, Chili, Argentine, Pérou, Philippines). Nous produisons de l’électricité à base d’énergies renouvelables dans des centrales hydroélectriques, parcs éoliens ou centrales photovoltaïques. Notre actionnariat, familial, applique la plus extrême prudence dans ses prises de décisions et sa stratégie.

RP Global France, la filiale hexagonale du groupe RGP Global, existe depuis 2008. Elle n’a pas la taille d’un Engie ou d’un EDF Renouvelables, mais fait partie des acteurs significatifs. À Lille, la trentaine de collaborateurs dont nous disposons s’appuient sur les ressources du groupe. Nous faisons appel à nos réservoirs d’expertise en Allemagne pour l’éolien, en Autriche et au Portugal pour l’hydroélectricité, et en Espagne pour le photovoltaïque.

Depuis sa création, la société a développé 250 mégawatts environ, ce qui représente une centaine d’éoliennes. L’an dernier, nous nous sommes fixés des objectifs ambitieux : nous voulons développer 1000 mégawatts dans cinq ans.

Michel Suzan, dirigeant de KDE Energy France : KDE Energy France a été fondé en 2007 par une holding néerlandaise, KDE Energy Europe. À l’époque, c’était l’un des pionniers européens dans le développement de projets éoliens, présent en France, au Pays-Bas, en Pologne et au Royaume-Uni. J’étais le directeur général de la filiale française. Notre modèle était vertical : nous développions un projet de sa conception à son exploitation, avec un partage des compétences entre les Pays-Bas et la France.

Après la crise de 2008, la holding a mis un genou à terre, et elle décide de vendre KDE Energy France. Je m’associe alors avec plusieurs salariés pour racheter KDE Energy France à KDE Energy Europe, en 2014. Avant cette date, nous avions pour seul client la holding néerlandaise, pour laquelle nous élaborions des projets clés en main, des financiers s’appropriaient les projets et investissaient avec la maison-mère.

En 2014, donc, nous devenons indépendants, avec un portefeuille de projets éoliens. Nous avons fait un management buy-out (MBO), l’entreprise appartient à ces cadres. CTN France a d’ailleurs joué un grand rôle dans la reprise de la société en nous accompagnant pendant cette période qui n’était pas facile. Aujourd’hui, je détiens 55% des parts, et mes associés, 45% des parts.

En 2014, nous décidons de nous diversifier vers d’autres sources d’énergies renouvelables. Nous ne développons plus seulement des projets de grand éolien mais aussi du photovoltaïque, sur des centrales solaires au sol ou sur toiture, et du petit éolien. Nous sommes passés d’une filiale d’un groupe international à un centre de profits qui développe des projets pour lui-même ou pour des tiers. Nous sommes un bureau d’étude en quelque sorte, un bras armé pour développer des projets de manière déléguée. Aujourd’hui, nous comptons sept salariés et une trentaine de clients. Ce sont des clients français, ou des filiales françaises de groupes étrangers qui veulent se développer dans les énergies renouvelables. Un projet peut varier de 600 euros à 1 million d’euros, notre chiffre d’affaire annuel s’élève à 700 000 euros environ.

Vous êtes des acteurs de l’éolien et du photovoltaïque. En quoi consiste exactement votre activité ?

Pierre Muller, RP Global France : Nous devons trouver les endroits où il est possible de construire un site de production en tenant compte des contraintes techniques et environnementales, des disponibilités du réseau électrique et, aussi, du contexte politique. Nous déterminons des lieux où, théoriquement, il est possible de faire quelque chose. Nos prospecteurs fonciers prennent contact avec les municipalités pour obtenir leur aval. Nous prenons ensuite le contrôle du foncier en rencontrant les propriétaires et en signant avec eux des promesses de bail.

Enfin, il y a l’étude d’impact : durant 12 à 18 mois, nous étudions les impacts qu’un site peut avoir sur l’environnement, sur les oiseaux par exemple, le trafic, le vent aussi s’il s’agit d’un parc éolien. Une fois cette étude réalisée, nous déposons une demande d’autorisation auprès de l’administration. Tout cela prend deux ans en moyenne, que le résultat soit positif ou non.

Si l’autorisation est donnée, nous négocions une connexion électrique avec Enedis ou RTE et nous réalisons le design des projets. Nous commandons les éoliennes aux fabricants et les travaux de réalisation de génie civil et d’électricité, et nous construisons le parc. Une fois que le parc est rattaché au réseau, nous nous posons la question : faut-il le garder en produisant l’électricité pour la revendre ensuite, ou devons-nous le vendre tout en gardant la maintenance ?

Tout ce processus est très long : il se passe entre six et huit ans entre le moment où on identifie un site potentiel et celui où on commence à injecter de l’électricité. En France, nous préférons nous concentrer sur l’éolien et le photovoltaïque. L’hydroélectricité est complexe à aborder, lorsqu’il y a des projets, ils sont réalisés à l’étranger.

Malgré tous les aspects techniques que j’ai décrits, notre métier est surtout financier. Ces installations coûtent cher et sont rentabilisées sur 20 ou 30 ans. En général, un parc de production est financé à 20% par des actionnaires et à 80% par des banques, des organismes prêteurs. La philosophie de RP Global, c’est de prendre son temps avant de présenter un projet. Nous devons tenir une documentation irréprochable car lorsque nous contractons des prêts importants, l’organisme prêteur réalise un audit (c’est la « due diligence »). Il fait appel à des avocats pour vérifier que nos projets ne comportent pas de failles.

Michel Suzan, KDE Energy France : Nous sommes un développeur de projets pour les territoires, nous livrons des projets clé en main qui sont constructibles, dans le petit éolien, le grand éolien ou le solaire au sol. Aujourd’hui le grand éolien représente la plus grande part de notre activité. Nous allons sur le terrain pour prospecter ou examiner des projets que nos clients ont détectés. Nous réalisons l’étude foncière (urbanisme, permis de construire, dimensionnement des projets), et faisons en sorte que le projet soit constructible. C’est de l’assistance à maîtrise d’ouvrage.

Le grand éolien, ce sont ces champs d’éoliennes que vous voyez au bord des autoroutes, ces machines font 200 mètres de haut et l’énergie produite par une éolienne atteint 3 à 5 mégawatts. Le petit éolien, dit « éolien urbain », là il s’agit plutôt d’autoconsommation. Ce sont des éoliennes placées sur des bâtiments, dans un jardin ou un parc, elles produisent 10 kilowatts et font moins de 10 mètres de haut.

Nous travaillons aussi pour des collectivités, par exemple à Tourcoing, nous allons construire dans un lycée un petit système d’autoconsommation avec une petite éolienne et quatre panneaux solaires qui vont délivrer du courant directement dans le bâtiment. Pour les projets solaire toiture ou les petites éoliennes, nous nous chargeons de la construction et de l’installation.

Notre PME réalise des choses très différentes. Les projets les plus importants, nous les livrons clé en mains, d’autres sociétés se chargeant de la construction. Par exemple, nous avons vendu à Total une centrale solaire au sol de 10 mégawatts, avec 17 000 panneaux solaires. Dans le Nord, à Lesquin, nous réalisons une centrale photovoltaïque pour une école en construction, qui comptera 52 panneaux au total.

En tant qu’acteurs de l’éolien et du photovoltaïque, quels sont selon vous les principaux enjeux du secteur des énergies renouvelables ?

Pierre Muller, RP Global France : Le premier enjeu, c’est l’acceptabilité. Aujourd’hui, nous comptons environ 7000 éoliennes en France. Les objectifs de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) fixent l’éolien terrestre à environ 35 gigawatts installés en 2028. Nous en sommes aujourd’hui à 16,6 gigawatts. Il faut réussir à faire accepter cette croissance par les riverains, même si l’augmentation de puissance par éolienne et le repowering éviteront de doubler le nombre d’éoliennes.

Pour ce faire, par exemple, nous essayons de réduire l’impact visuel des balisages de nuit qui clignotent fortement. Nous tentons d’installer des éoliennes hors des zones habituelles. Nous élaborons des solutions pour que les riverains y trouvent leur intérêt. Lorsqu’un parc éolien ou un parc photovoltaïque est réalisé, des taxes sont payées et reviennent, pour une partie, directement à la commune concernée. La société dans son ensemble récupère donc de l’argent. Mais faire comprendre au riverain qu’il profite indirectement de cette manne s’avère compliqué. Notre tâche consiste à faire en sorte qu’il en tire un avantage.

Ainsi, nous essayons de permettre aux riverains d’un parc éolien de payer leur électricité moins chère. Grâce au crowdfunding, nous les faisons également participer au capital de nos sociétés. Il y a quelque temps, nous avons lancé un appel de fonds réservé aux riverains d’un parc : ils nous prêtaient de l’argent à hauteur de 180 000 euros et, pendant deux ou trois ans, nous leur versions un intérêt significatif sur la somme prêtée. Ces 180 000 euros étaient directement liés au parc éolien : quand ils voyaient les choses changer autour d’eux, ils pouvaient se dire que cela leur rapportait quelque chose.

Le second enjeu est la réglementation, car elle évolue sans arrêt. Or les investissements sont élevés et les temps de développement sont longs. Un projet éolien ou un projet photovoltaïque, c’est comme un paquebot : quand on change les règles, il faut changer de direction. Le pilotage se complique.

Michel Suzan, KDE Energy France : À long terme, les perspectives sont excellentes. Il y a un mouvement de fond de relocalisation en France, qui s’observe déjà dans l’alimentation. J’espère que l’industrie sera à son tour bientôt concernée.

Cela passe aussi par des moyens de production d’énergie. Nous sommes dans cette mouvance car le renouvelable c’est avant tout une énergie locale. C’est très lent, mais c’est une tendance forte. Nous nous sommes lancés dans le petit éolien, dans le solaire toiture et dans l’autoconsommation. C’est un investissement de long terme, car les gros projets d’infrastructures renouvelables, solaires ou éoliens, nous font encore vivre. Nous l’avons décidé car il existe une demande, un marché.

Malheureusement, des obstacles règlementaires effarants subsistent. Les pouvoirs publics sont déchirés entre les intérêts immédiats et le long terme. Le pays a du mal à abandonner le nucléaire et à passer à autre chose en termes d’efficacité énergétique. Tirons les enseignements de la crise liée au coronavirus pour relocaliser ! Relocaliser, cela veut dire développer les énergies renouvelables. On parle du millefeuille administratif et de mesures de simplification, mais je n’en vois aucune. Il manque une dynamique sincère, cela va trop lentement.

Qu’attendez-vous de vos conseils ?

Pierre Muller, RP Global France : Nous avons été contraints de nous adapter à la réglementation sur le plan technique évidement, mais il y a aussi des implications fiscales, légales et nous ne pouvons pas être expert en tout. Nous avons l’appui de la holding en Autriche, mais nos collaborateurs ne sont pas forcément des spécialistes en droit français, fiscal ou pénal.

Nous avons besoin d’avoir des conseils qui s’adaptent à ces situations. On ne peut pas avoir un expert-comptable qui applique chez nous ce qu’il fait depuis dix ou quinze ans sur d’autres sociétés. Il doit, systématiquement, se poser ces questions : « Les nouveaux textes sont-ils clairs ? Comment les appliquer à RP Global ? » S’ils ne sont pas clairs, il doit être capable d’aller chercher l’information et c’est ce que fait CTN en permanence.

Prenons un exemple. Jusqu’à deux ans en arrière, nous avions un cadre assez confortable : une fois que vous remplissiez un certain nombre de conditions pour un projet éolien ou un parc solaire, vous signiez un contrat de vente d’électricité avec EDF et pendant quinze ans EDF était obligé de racheter intégralement votre électricité, à un prix fixé à l’avance. C’est du passé. Bruxelles est en train d’obliger les États membres à revenir à un marché de l’électricité. Un appel d’offres est organisé deux fois par an. Nous proposons des projets et pour chacun, nous proposons de vendre le kilowattheure X euros. Les prix les moins élevés sont retenus. Nous allons vers un marché à concurrence parfaite, cela change tout sur le plan fiscal.

Nous avons également besoin d’une assistance juridique car 80% des projets éoliens se font attaquer. Les anti-éoliens déposent des recours, nous devons donc faire appel à des avocats pour nous défendre devant le tribunal administratif ou le tribunal d’appel. Enfin, nous sommes également confrontés à des questions de droit social.

Dans notre société, nous avons longtemps gardé une mentalité de start-up. Le droit n’était pas notre priorité. Nos collaborateurs, motivés au résultat, étaient rémunérés en conséquence. Tant que nous avions 10 collaborateurs, cela marchait très bien. Mais en passant à 30, il a fallu s’adapter à la réglementation sociale correspondante, et l’appui de CTN a été crucial en ce sens.

Michel Suzan, KDE Energy France : Notre PME doit être agile et nos partenaires doivent l’être aussi, à eux de nous proposer une offre qui ne soit pas trop standard et trop chère, de s’adapter à ce que nous faisons. CTN sait le faire.

Après le rachat, nous avons gardé KPMG pour le commissariat aux comptes et CTN comme expert-comptable. En devenant une PME, nous avons réduit les coûts, mais sans nous séparer de ces prestataires dont nous étions satisfaits. Nous leur avons expliqué que nous allions internaliser une partie des prestations.

Six ans plus tard, ils sont revenus à des niveaux de facturation équivalents à ceux de 2014. Ils nous ont accompagné dans toute cette phase. Voilà ce que je recherche chez mes partenaires. Mon expert-comptable doit être force de proposition et d’une certaine façon, doit savoir choisir son client. Je ne peux avoir de prestataire que si mon chiffre d’affaires se développe fortement.

Nos besoins sont importants car nous faisons beaucoup de choses. Aujourd’hui, l’entreprise est divisée en deux avec d’un côté trois associés (tous seniors) avec moi – je suis dirigeant et associé. Et, de l’autre, trois salariés, plutôt des juniors. Les seniors ont leur réseau et sous-traitent pas mal de travail, ils vont chercher de la valeur sur des projets et après ils vendent cette valeur. Une bonne partie de notre chiffre d’affaires étant sous-traitée, nous avons besoin de prestataires de très grande qualité.

Que vous apporte précisément CTN France ?

Pierre Muller, RP Global France : Dès qu’un projet est arrivé à un stade assez avancé, nous créons une société. Nous en gérons une dizaine actuellement. Donc CTN France ne prend pas en charge que RP Global France.

De plus, comme nous faisons partie d’un groupe international, la gestion des sociétés a également des implications internationales. À chaque fois, il faut se caler entre la réglementation française et la réglementation des pays avec lesquels nous sommes partenaires, l’Allemagne, l’Autriche ou l’Espagne. CTN France y est très attentif.

Nous avons un service comptable en interne qui gère les problèmes du quotidien. Avec CTN France, nous tenons régulièrement des réunions informelles. Il nous informe des dernières actualités réglementaires, il nous sert de garde-fou et nous apporte le recul nécessaire. Enfin, en cas de problème comptable, CTN France nous apporte un appui immédiat.

Michel Suzan, KDE Energy France : Nous avons été amenés à nous diversifier, et nous envisageons d’acheter des sociétés. Nous bénéficions d’un accompagnement extrêmement personnalisé : CTN France est force de proposition et de conseil, il répond de manière pragmatique à chacun de nos besoins.

Rédigé par Laurent Guiot et Alexandre Boudry, associés CTN France

Photos : Michel Suzan ©Samuel Rossie, Pierre Muller ©RP GLOBAL

10/06/2020 - Laurent Guiot, associé CTN France et expert des énergies renouvelables